Thibault de Puyfontaine “Late Colors“
du 08/02/2011 au 15/03/2011
LITTLE BIG GALERIE
45 rue Lepic
75018 PARIS
France
C’est au cœur d’une nuit colorée, dans les senteurs d’Orient tantôt suaves ou fortes, que nous convie Thibault de Puyfontaine. La première étape de « Late Colors », son épopée photographique, l’a conduit en Egypte, du Caire à Alexandrie. Il nous en livre aujourd’hui un étonnant constat visuel, entre rêve et réalité.
Au gré de ses périgrinations, de ses déambulations, Thibault, tout d’abord subjugué par les lueurs qui cheminent dans les ruelles étroites de ces cités, a décidé de se perdre. La nuit a été le terrain privilégié de cette maraude onirique. Sans aucun apriori, il s’est laissé guidé par les lumières artificielles qui nimbent venelles, places, porches, escaliers cairotes ou alexandrins. Attiré par leur irréalité, elles l’ont poussé à l’intérieur des immeubles, dans les estaminets, dans les maisons, à la réception des hôtels. Intrigué par les clairs obscurs provoqués par les éclairages électriques, Thibault de Puyfontaine s’est arrêté, pour goûter le temps de cette lumière. Et laisser à cette dernière la faculté d’envahir l’espace, de le transformer, de le gommer, de le re dessiner, pour en révéler la beauté. Aidé par cette source lumineuse qui semble parfois divine – et qui sait, peut-être extra-terrestre - il souligne un détail, une trace, un vestige ; il transcende la pauvreté des lieux en révélant des teintes insoupçonnées. Victime consentante, son parcours est celui d’un papillon de nuit, attiré par les ampoules et les néons. En confiance, il se laisse mener, comme aimanté par la lumière. Les images de Thibault de Puyfontaine créent ensemble une nouvelle cité. Nous n’avons plus de repères pour savoir si nous sommes au Caire, à Alexandrie, à Gizeh ou à Shubrah. Nous sommes au cœur de la somme de toutes ces villes . Une ville qui n’existe pas. Une ville rêvée, au cœur de la nuit.
Série «Late Colors» © Thibautlt de Puyfontaine / Courtesy Little Big Galerie, Paris Série «Late Colors» © Thibautlt de Puyfontaine / Courtesy Little Big Galerie, Paris
Et puis une étrange sensation, dans un second temps. Toutes ces rues, tous ces bars, ces petits hôtels, ces squares sont exempts de toute présence humaine ou animal. Thibault de Puyfontaine nous a certes conviés à une ballade nocturne, mais le vide ambiant renforce encore un peu plus le sentiment d’être au milieu d’un rêve. Ou bien au centre d’une fiction théâtrale ou cinématographique. Tous les acteurs ont quitté la scène, le plateau, laissant accessoires et tournages en l’état : une télévision encore en marche dans un café, des fleurs abandonnées sur un comptoir, une chaise laissée sur un trottoir... La fiction déserte les lieux, qui, sous les lumières toujours actives, redeviennent des décors. Une nouvelle réalité s’installe implacablement. L’envers de la frénésie diurne.
Thibault de Puyfontaine : « Sous l’éclairage étrange et électrique des nuits d’Egypte les quartiers apparaissent alors comme des décors de théâtre, les murs se transforment en ruines vaporeuses, le molleton se déguise en rose blanche, des fragments de matières deviennent un assemblage irréel... Dérégler les sens pour redécouvrir ce qui est devant nous. »
Pourtant, nulle angoisse ni inquiétude ne semblent troubler notre périple labyrinthique. Et même si pointe la question de la fuite des habitants face à une menace, on peut également imaginer que c’est un événement heureux qui les a conduits à déserter leurs logements, à stopper leurs occupations, pour se réunir, ensemble, quelque part, pour une célébration.
Alors on bascule dans le surréalisme, dans tous les possibles. La poésie envahit l’espace, la couleur est irréelle, la beauté et l’émotion naissent de la rencontre de la lumière avec ces lieux.
«J’aborde la photographie non pas comme un instant décisif mais comme un moment calme et privilégié à la méditation. J’aime dans l’acte photographique ce dialogue intérieur qui s’instaure et qui met en éveil une certaine sensibilité. Tout comme l’inconscient, l’appareil photo fonctionne comme une plaque sensible qui viendrait enregistrer ce qu’elle voit. C’est ce dialogue entre le rêve et la réalité, qui est capturé.»
Vers quelles contrées la prochaine étape de « Late Colors » nous portera-t-elle ? Nous ne le savons pas encore, mais elles seront à nouveau celles de la lumière et de la couleur.
« Late Colors relève d’un même regard : celui du désordre, du fourmillement, de l’accumulation des objets disparates, d’un désordre apparent. Les couleurs choisies par Thibault de Puyfontaine ne manquent pas de faire penser aux visions nocturnes de Paris et de Rome prises dans les années 1970 par Daniel Boudinet*, disparu prématurément en 1990. Autant les prises de vues de Daniel Boudinet respirent la solitude et l’isolement nocturne, autant celles de Thibault de Puyfontaine reflètent les activités noctambules ».
Baudoin Lebon
*cf Daniel Boudinet, rétrospective, ed. de la Manufacture, 1993
Pour la série «Late Colors», aucune couleur n’a été modifiée, aucune mise en scène n’a été réalisée, aucune photographie n’a été transformée. Les photographies au format carré sont réalisées en argentique, celles au format rectangulaires en numérique.
Repères chronologiques
Thibault de Puyfontaine est né à Clichy, France, en 1980. Il vit et travaille à Paris, mais parcourt régulièrement le monde. Il s’initie à la photographie en 1998, lui permettant d’explorer la prise de vue et le tirage en noir et blanc. En 2001, au sein des Ateliers de Sèvres, il appréhende la peinture, le dessin et la sculpture, puis au cours des années suivantes, se forme aux techniques du studio. Il exerce son savoir faire photographique dans le reportage, le packshot, la publicité. En 2004, il part à New York et signe la série « Walking in Manhattan ». Son voyage en Egypte en 2007 l’incite à abandonner progressivement ses activités commerciales pour se concentrer sur son travail personnel. En 2010, il voyage au Mozambique (où il reste en résidence) et en Colombie.