Variations et fugues en stenopé

du 23/06/2010 au 11/09/2010

CENTRE IRISlien vers appli googlemap
238 rue Saint-Martin
75003 Paris
France

Le Centre Iris consacre l’été au sténopé : une grande exposition et deux ateliers d’initiation
Pour son exposition estivale, du 23 juin au 11 septembre 2010, le Centre Iris présente les travaux au sténopé de 11 photographes.
Deux ateliers de 4 jours sont également organisés (nombre de places limités) : 
du 19 au 23 juillet et du 9 au 12 août 2010

Les photographes exposés : Sabrina Biancuzzi, Richard Caillot, Patrick Caloz, Bastien Defives, Fabrice Lassort, Hervé Le Goff, Pascale Peyret, Gilles Picarel, Christian Poncet, Frédérique Riba Sarat, Mieko Tadokoro.

Le sténopé (combinaison des mots grecs «stenos», étroit, et «ope», trou) est un dispositif optique simplissime permettant d’obtenir un appareil photographique dérivé de la camera obscura. Il s’agit d’un simple trou, de très faible diamètre.

Un appareil sténopé se présente sous la forme d’une boîte dont l’une des faces est percée d’un minuscule trou qui laisse entrer la lumière. Sur la surface opposée au trou vient se former l’image inversée, que l’on peut capturer sur un support photosensible. Le sténopé fonctionne de la même façon que l’œil, il capture des images inversées du visible. Du fait de la petitesse de l’orifice permettant à la lumière de pénétrer à l’intérieur de l’appareil, le temps nécessaire pour impressionner la surface photosensible est très long. Selon la taille de l’appareil et de l’ouverture, l’exposition peut se chiffrer en heures. Le trou du sténopé est minuscule, par conséquent, il permet une plus grande latitude d’exposition et offre une très grande profondeur de champs (presque à l’infini).

Bien que cela ne soit pas formellement établi, il est possible que la première photographie (Joseph Nicéphore Niépce) ait été prise avec un sténopé. La première formule pour déterminer le diamètre du trou fut énoncée par l’autrichien Joseph Pretzal en 1857. Le futur prix Nobel, John William Strutt Rayleigh établira une formule dans les années 1880 en travaillant sur les télescopes.

La construction d’un sténopé est simple. Il suffit d’une boîte suffisamment bien fermée pour être étanche à la lumière. Son intérieur doit être recouvert d’une substance noire et mate pour éviter toute réflexion des rayons lumineux. L’une des faces est percée d’un petit trou, à l’aide d’une aiguille à coudre par exemple. C’est ce petit trou qui est à proprement parler le sténopé, il peut être percé dans un matériau différent de la chambre noire et être monté sur celle-ci comme un objectif photographique classique.


Les photographes exposés

Sabrina Biancuzzi
Spécialisée en photographie argentique et en procédés alternatifs, Sabrina Biancuzzi est à la fois photographe et graveur. Elle aime le travail de laboratoire et le grain des pellicules. Loin de l’univers digital, elle laisse entrevoir l’intimité de ses voyages et rêves, mêlant ainsi le temps et les souvenirs.
La série « Entre Deux », présentée dans l’exposition, propose une série d’images au sténopé sur les rives de la mer du Nord. Elle s’y livre à un exercice de style intime dans lequel elle travaille ses images de manière intemporelle. Un effet accentué par l’utilisation du grand format qui rend difficile la datation des prises de vues qui pourraient avoir été réalisées en début de siècle comme aujourd’hui.
Sabrina Biancuzzi, 31 ans, est née en Belgique. Elle vit et travaille à Paris, enseigne également la photographie et anime des ateliers d’arts plastiques.

Richard Caillot
Pour cette série initiée en 2000 et intitulée «À ma Fenêtre», Richard Caillot revient sur les traces de Nicéphore Niépce réalisant sa première héliographie depuis une fenêtre ouverte sur sa propriété, ou sur celles d’Henri Fox Talbot prenant également son premier sujet de sa fenêtre. Richard Caillot utilise un moyen primitif pour produire des images : une camera obscura munie d’un sténopé (trou réalisé avec une aiguille), en guise d’objectif. Le diaphragme minuscule donne une profondeur de champ infinie, tout est net de quelques centimètres à l’infini, mais sans la précision d’une optique.
«Pas besoin d’effectuer un grand voyage, un monde s’ouvre à ma fenêtre. Les images s’élaborent lentement, fruits de la patience et du long temps de pose. La lumière pénètre dans la camera obscura par le sténopé, et laisse son empreinte sur la matière sensible. De ces traces lumineuses va naître une image dans l’obscurité de la chambre noire.» R.C.
Le choix du tirage au charbon s’impose naturellement. D’une grande surface noire charbonneuse apparaît l’image, par dépouillement dans l’eau chaude. Richard Caillot est né en 1958 en Bourgogne. Il vit et travaille à Paris.

Patrick Caloz
Pour réaliser cette série sur Istanbul, Patrick Caloz a du se battre contre la pluie et le vent. Prier pour qu’un véhicule ne vienne pas stationner devant son sténopé. Frissonner et sautiller pour ne pas avoir trop froid. Mais le long temps de pose a aussi des avantages : les stambouliotes lui offrent gracieusement du thé, en ayant un regard intrigué sur sa boîte. Ils l’invitent dans une échoppe en attendant que l’heure de prise de vue s’écoule... Un temps de connivence et de partage s’installe.
«Tout cela, je l’ai vécu grâce à ma petite boîte en bois, grâce à elle et au temps qu’elle me laisse ! Bien entendu, cela ne transparaît pas sur les images. Elle est discrète, ma boîte, elle ne raconte pas tout ! Quand je regarde mes images, je ne vois pas les souvenirs, je les ressens. C’est pour cela que j’aime le sténopé. Mais que reste-t-il alors au regard de mes photographies ? La mémoire d’un lieu... Peut-être ! Mais je souhaite surtout qu’il y ait de la place pour l’imagination de chacun ! » P.C.
Enseignant et éducateur, Patrick Caloz vit et travaille en Suisse, à Fribourg.

Bastien Defives
La série «Fuites» est un travail photographique en sténopé panoramique développé pour le spectacle «Iik»i (danse - photo - musique spatialisée) du collectif PulX. «Il faisait beau, je suis parti. J’ai passé des montagnes, des mers, des forêts, des villes. J’ai posé mes yeux tout autour, les quatre. Toute cette lumière m’a impressionnée. Les heures éclairées, j’ai rencontré les immobiles. Au pied des arbres, je me suis rendormi.» B.D.
Bastien Defives vit et travaille à Montpellier.

Fabrice Lassort
Fabrice Lassort est un spécialiste des procédés anciens. A l’ère du numérique il traduit une volonté d’être acteur de sa propre production photographique, il fabrique ses appareils : cartophotes, sténopés, mais aussi ses chimies avec la cyanotypie, le papier salé ou la ferrotypie. Ses recherches nous interrogent sur l’identité d’un photographe: l’utilisation d’appareil qui oblige à un autre regard, ces chimies qui nous transposent dans un monde révolu, avec une façon d’opérer quasi physique. Il nous rappelle les expéditions des photographes explorateurs, laborieuses et glorieuses. La démarche de Fabrice Lassort interroge et replace la question de la photographie d’art dans la normalisation du langage photographique. C’est un artiste atypique qui nous ouvre les portes de rituels magiques où l’expérience de l’image se renouvelle à chaque fois.
Fabrice Lassort vit et travaille en Aquitaine.

Hervé Le Goff
Un bref séjour aux Beaux-Arts en année d’admission en architecture et surtout une passion immodérée pour le monde antique méditerranéen ont conduit Hervé Le Goff en 1990 à recréer des sites construits à partir de moulages de pièces originales. Occasionnellement accompagnés de textes, ses travaux sont regroupés sous le titre global de «Nouvelles d’Archéologie». C’est pour explorer ces lieux imaginaires, fausses ruines et vrais mirages qu’il a construit de minuscules chambres photographiques en bois, équipées de sténopés.
Hervé Le Goff est journaliste, critique et professeur en photographie. Il vit et travaille à Paris.

Pascale Peyret
«Un jour, Pascale s’est penchée sur les petites choses du jardin, très près d’elles, si près que plus rien n’était petit... c’était des personnes très grandes sur les fruits, sous les feuilles, avec des avenues et des couchers de soleil. Il y avait là des enfances d’adultes, des aventures, des bonds, des cabrioles, des amourettes, des fêtes, des béatitudes...
Ces photographies (réunies sous le titre de «Bugs in my Garden») ne sont pas des fables. C’est la présence des choses du jardin, du règne végétal et de ses histoires. Elles offrent le respect à des anecdotes organiques de la terre : des images sans orientation, sans début ni fin, avec une profondeur, une lumière du jour partout présentes, égales, à la mesure d’un microscope amusant.
Et la confusion des échelles est totale : l’infiniment petit est plus grand, la réalité irréelle, l’invisible parfaitement présent.» Jean Real Pascale Peyret, photographe-plasticienne, vit et travaille à Paris. Depuis 2003 elle développe un travail photographique au sténopé.

Gilles Picarel
«Ma démarche consiste à présenter un lieu sans présence humaine, hors du temps, comme un instant d’éternité. Ce travail tient du rêve de gosse, comme un désir irrépressible de se constituer un jardin secret, un lieu d’errance personnel éloigné de toute réalité. Un dernier rempart en quelque sorte contre les agressions, le stress et les angoisses engendrés par notre existence.» G.P.
Cette série a été réalisée en 2009 et 2010 dans le Jardin des Tuileries. Gilles Picarel vit et travaille à Paris.

Christian Poncet
«Résolument, je me tourne vers la «Street Photography» dont je me « nourris » encore aujourd’hui. J’aime l’agitation de la ville, le contact direct aux gens et les images saisies en une fraction de seconde. Mais parfois j’ai besoin de répi, d’une photographie moins compulsive, plus contemplative. Je trouve ce juste équilibre avec le sténopé (pinhole : petit trou) que je pratique depuis douze ans après avoir confectionné ma première boîte en bois. L’archaïsme et la lenteur du procédé m’obligent à modifier mon regard, délaissant la réalité de l’instant pour une esthétique plus intemporelle, plus poétique aussi.
Je réalise une première série sur les lacs de ma région (Annecy-Le Bourgey ), puis un travail sur « la plage » qui me permet de montrer une vision onirique du reportage : plages désertes, mais aussi jonchées de corps alanguis. Un réel défi au temps, par la nécessité d’une immobilité parfaite de plusieurs minutes pour inscrire une image.
Depuis un an, je poursuis un travail sur le Lac Léman : la démarche y est différente, basée sur la recherche d’une esthétique nouvelle par l’utilisation d’une granulation plus appuyée, non sans rappeler le courant pictorialiste.» C.P. Christian Poncet vit et travaille à Annecy. À 18 ans, il découvre Henri Cartier- Bresson et commence alors ses recherches photographiques.

Frédérique Riba Sarat
Née à Boufarik en Algérie, Frédérique Riba Sarat a vécu en Provence jusqu’en 2000. Elle entre ensuite à l’École des Beaux-Arts de Versailles et obtient son diplôme d’arts plastiques en 2005. Pendant les cours de photographie plasticienne de Jean Topazzini, elle découvre le sténopé et présente son diplôme avec cette technique sur le thème du «chemin».
Depuis elle n’a cessé d’utiliser le sténopé dans sa création artistique ; il lui permet d’aborder le monde en images sous des angles différents et d’accéder à un monde imaginaire et onirique. Elle transporte ses “boîtes noires” pour des prises de vue dans ses itinéraires à travers les saisons, autant dans la nature que dans la ville, dans son quotidien ou ses voyages. La magie du sténopé, avec sa part aléatoire, la passionne et lui donne envie de partager. L’illustration l’intéresse aussi, alliant poésies et sténopés, elle choisit souvent la forme du livre d’artiste pour présenter son travail.
Frédérique Riba Sarat vit et travaille à Versailles.

Mieko Tadokoro
«Ma série «Vitrines» (1997-2008) exprime la dualité des paysages urbains parisiens et des objets réunis sur une même image au travers d’une vitre : les objets dans la vitrine, temporels et réels ; les façades reflétées, durables mais virtuelles. Le sténopé, grâce à sa profondeur de champs quasiment infinie, n’excluant ni les objets, ni les façades de la netteté de l’image, permet de brouiller parfaitement les frontières entre l’intérieur et l’extérieur.
Inspirée par la «Tavoletta» de Filippo Brunelleschi, qui se munit d’un œilleton et d’un miroir pour démontrer le principe de la perspective, je me sers aujourd’hui d’un dispositif optique similaire en conjuguant le sténopé et la vitre afin de fondre le réel et le virtuel.
Le sténopé représente la forme la plus pure de la photographie. Il capte au mieux le phénomène magique de la lumière et son principe particulier de la perspective en fait un contrepoint à la nouvelle technologie.» M.T. Mieko Tadokoro vit et travaille à Tokyo. Elle réalise la majeure partie de ses prises de vues à Paris et les expose régulièrement au Japon. Elle a écrit différents manuels sur le sténopé et à créé en 2005 la «Japan Pinhole Society.»